Les flammes crépitaient dans l’âtre de la cheminée. Elles dansaient, flamboyantes, tentatrices. Tantôt rougeâtres, tantôt bleutées. De sa baguette magique d’un noir de jais et légèrement incurvée, Quinlan s’employait à les faire changer de couleur et d’intensité, confortablement installé dans son fauteuil boisé en velours bordeaux. À y regarder de plus près, on avait presque envie d’y mettre les mains dans ce foyer brûlant. La sensation de chaleur qui lui parcourait l’échine semblait l’apaiser. L’apaiser d’un mal qui le rongeait de l’intérieur. Comment pouvait-il mettre sa famille autant en danger ? Son cœur était gonflé de remords et de culpabilité, mais en même temps débordant d’affection. Il était pris entre deux feux. La passion d’une relation interdite face aux liens familiaux indestructibles. Malgré tout, si un choix devrait s’imposer à lui, bien que celui-ci soit cornélien, il choisirait sa fratrie. Un serment inviolable pouvait d’ailleurs être aisément passé tant la loyauté au sein des Selwyn était une valeur primordiale, voire vitale.

Perdu dans ses pensées, il fut bien vite rattrapé par la réalité quand les flammes commencèrent à s’agiter avec vivacité sans qu’il ne puisse rien contrôler. Elles virèrent presque aussitôt à un vert étincelant, crachant des petits jets de flammes qui firent lever vivement Quinlan. Le visage familier de Cordelia Grindelwald se dessina peu à peu dans le charbon et les cendres de l’âtre. Le jeune sorcier s’approcha avec prudence et entreprit de se confondre aussitôt en une révérence respectueuse. « Milady. Préparez-vous à transplaner immédiatement à Knockturn Alley. Un groupe de rafleurs vous y attend pour une mission des plus urgentes. On nous a récemment signalé la présence de né-moldus qui tenteraient de s’y cacher. Il se trouve que nos amis sont sur une piste. Je vous conseille de vous apprêter en circonstance, Sire Selwyn. N’oubliez pas qu’il nous faut la tête de ces rats d’égout. » Quinlan se contenta d’incliner légèrement la tête, les mains croisées dans son dos. Lorsque le visage de la ministérielle disparut dans une volute de fumée, éteignant au passage le feu auparavant flamboyant, le sorcier trentenaire fit volte-face, entreprenant une marche rapide vers la porte du salon. Celle-ci s’ouvrit à la volée pour laisser place à Regina. « J’ai entendu les bribes d’une conversation. Tu dois repartir ? » Il opina du chef pour seule réponse. Le visage de sa mère semblait impassible, imperturbable. Elle gardait toujours ses airs hautains de grande dame, ses émotions constamment cachées derrière un masque telle une précieuse poupée de porcelaine. Pourtant, Quinlan savait au plus profond de lui-même qu’elle était inquiète. Elle n’avait jamais approuvé le fait que lui et son frère soient devenus des aurors. « Mère, retournez au lit, vous allez vous déclencher un saignement de nez. » Il ne lui accorda pas l’ombre d’un regard mais posa simplement une main délicate sur son épaule. Il monta ensuite quatre à quatre l’escalier de marbre en colimaçon. Il pénétra rapidement dans sa chambrée, ouvrant le placard pour sortir une valise qu’il jeta vulgairement sur son lit proprement fait. Il emporta quelques affaires qu’il fourra dans un sac magique sans fond, vérifia que sa baguette magique était bien dans la manche de sa veste en cuir et transplana presque aussitôt.

Le manoir des Selwyn était bien loin à présent. Quinlan fit son apparition près du groupe des rafleurs, dans Knockturn Alley. La nuit avait recouvert Londres de son long manteau de jais. Cependant, l’obscurité était bien plus présente dans cette partie de la ville. Le jeune homme prit à peine le temps de saluer ses comparses qu’ils s’étaient déjà mis en route. Ils étaient trois. Trois tortionnaires sans vergogne. Il y avait d’abord le grand gaillard costaud aux longs cheveux blancs, une balafre lui pourfendant le visage du sourcil droit au menton. Il y avait ensuite le lilliputien, un mètre quarante-cinq tout au plus, de courts cheveux gras poivre et sel et une barbichette noire. Dans l’obscurité ambiante, on aurait presque pu le confondre avec un gnome de Gringotts. Enfin, il y avait cette femme de taille moyenne, véritablement rachitique, chauve, au regard si perçant et pervers qu’il vous mettait mal à l’aise au premier contact. La joyeuse troupe de bras cassés continuait son ascension dans les ruelles londoniennes. D’une combinaison de gestes simples, le petit homme décidait visiblement de la marche à suivre en nous séparant tous. L’objectif était assurément de mettre la main sur ces né-moldus. Quinlan savait pertinemment que Marcus risquerait peut-être de se trouver dans les parages, lui qui appréciait particulièrement ces endroits lugubres pour se planquer.

Quinlan était à présent livré à lui-même. Lorsqu’il était en mission, il tâchait de dégager son esprit de toute pensée anesthésiante. Rien ne devait perturber l’élaboration de ses plans ou l’adrénaline qu’il sentait couler dans ses veines comme un élixir précieux. Il sortit de sa besace magique sans fond une longue cape sombre qu’il enfila aussitôt. Il abaissa la capuche qui recouvrit la quasi-totalité de son visage et, pleinement dans le feu de l’action, il se mit à courir dans la ruelle. Il dégaina sa baguette magique qu’il tint fermement dans sa main droite, l’autre main tâchant de le tenir fermement contre le mur de pierres glacées et humides. Dos contre celui-ci, il pencha la tête pour regarder dans le carrefour. Homonium revelio, chuchota-t-il avec conviction. Une petite lueur bleutée fila droit dans la direction de gauche. Plissant davantage les yeux, Quinlan put percevoir la silhouette de la rafleuse chauve. D’un geste vif et précis, son poignet dessina la forme du sortilège de lévitation et un tonneau fila s’écraser contre la sorcière. Peu de temps après, des échanges musclés de sorts retentirent. Les né-moldus traqués devaient riposter. Il profita du vacarme ambiant pour sortir de sa planque et poursuivre la rafleuse qui prenait la fuite et lançait des stupefix en arrière sans réellement viser. Les multiples protego de Quinlan lui permirent d’en esquiver un maximum. Les autres s’écrasaient violemment contre les parois rocheuses des baraques ou sur les pavés. Dans un geste de dernière minute, et avec une rage sans pareille, il pourfendit l’air de sa baguette et un immense jet d’eau vint percuter le dos de la chauvine qui chuta lamentablement, son visage heurtant de plein fouet le sol dallé. Quinlan s’engouffra dans le même temps dans une cache, s’assurant qu’elle était bien hors d’état de nuire. Quand il fut certain de la chose, il s’extirpa de l’antre et entreprit de poursuivre sa recherche de Marcus durant plusieurs dizaines de minutes.

Leurs regards se croisèrent le temps d’un instant. Un quart de seconde qui avait suffit à mettre un grand coup dans le cœur de Quinlan. Il respirait plus sereinement, il était moins haletant. Il était rassuré de savoir que Marcus n’avait rien. Il lui fit signe sans ménagement de dégager d’ici avant qu’il ne se fasse attraper. Et il s’enfuit. La minute qui suivit, le sorcier trentenaire heurta de plein fouet un gamin alors qu’il tournait dans l’angle d’une nouvelle ruelle. Avant qu’il n’ait pu réagir, l’enfant avait déjà sa baguette pointé droit vers Quinlan. Son visage était déformé par la peur et la colère. Il tremblait de rage. Il tremblait de froid. Il tremblait d’excitation. Les pulsions suicidaires du né-moldu résonnaient en Quinlan comme un écho. S’il n’entreprenait pas quelque chose sur le champ, il allait se manger un sort en pleine face. « Lâche ça ou je te casse les dents, joli cœur. » Le garçon sembla rire. L’auror tâcha de détourner l’attention de celui-ci en l’alertant des pas que l’on entendait se rapprocher de plus en plus vite. Et comme dans les films de moldus, tout sembla se passer au ralenti : au moment où le gamin cilla du regard, Quinlan leva sa baguette et le fit léviter jusqu’à lui. Il l’empoigna par le col de ses haillons. Un geste de l’auror suffit à faire briser sans mal le poignet de l’enfant qui hurla et lâcha son arme. Le groupe de rafleurs arriva bientôt à portée de la scène. Le lilliputien sembla se lécher les babines. « Ne rêve pas, le gnome. Il est à moi… Fustigea Quinlan alors qu’il balançait sa proie à même le sol. AVADA KEDAVRA. » L’éclair vert jaillit de sa baguette incurvée et percuta de plein fouet l’entre-deux yeux du garçon qui rendit son dernier souffle. Ce qu’il ne savait absolument pas, c’était que cette victime de onze ans était en réalité le fils de Marcus.