Mademoiselle Malefoy,

Il me ferait honneur si demain, au coup de midi, vous veniez partager le déjeuner avec moi. J'ai en effet quelque chose à vous entretenir qui demande un contact autre que celui épistolaire et il me semblait agréable de vous rencontrer autour d'un verre et d'un déjeuner. Une table sera réservée à mon nom, à la Table du Farfadet, au nord de Londres. J'espère grandement vous y voir.

Bien à vous,

Leander Black


C'était la missive que tu avais écrite pour Orchid, la veille, sans en attendre la réponse. Elle va probablement venir : on ne pose pas de lapin à un Black, à moins d'en avoir la permission. Et encore, il vaut mieux éviter de se livrer à de telles impolitesses. Habituellement, tu prends ton repas du midi avec Dee et ce depuis sept ans. Les bonnes habitudes ne se changent pas, après tout, et vous avez de la difficulté à passer une journée sans vous voir. Souvenir de vos années à Poudlard, il faut croire. Ce midi, par contre, tu lui as dit que tu avais quelque chose d'autre à faire. Pas besoin de lui dire quoi : la Carrow sait presque lire dans tes pensées.

Tu es parti plus tôt du Ministère pour avoir le temps d'arriver le premier au lieu de rendez-vous, soit la Table du Farfadet. Habituellement, tu préfères prendre le repas au Chaudron Baveur, mais tu voulais quelque chose de moins familier. Et rien d'aussi pompeux que le Chant des Sirènes, également. De plus, la nourriture de l'endroit est excellente et d'un restaurant, c'est bien tout ce que tu demandes. Assis seul à la table au fond de la salle, tu as demandé la plus isolée et on te l'a donnée avec grand plaisir en reconnaissant ton nom et ton visage sérieux, tu pratiques intérieurement ce que tu vas annoncer à Orchid.
Comment annoncer à une jeune fille de sept années votre cadette que vous êtes son futur époux ?
Problème plutôt épineux, s'il en était.
Le serveur t'emporte ton verre de vin, un rouge français puisque tu exècres ceux espagnols que ton père affectionne, mais tu ne bronches pas. Tu tournes et retournes diverses phrases dans ton esprit, tentant de trouver la meilleure pour ce que tu comptes faire. Alors qu'au fond, il n'y a aucune phrase qui puisse dire cela... doucement et simplement. Tant pis. Tes doigts viennent replacer le col de ta chemise sombre, tu es en noir aujourd'hui, machinalement, puis tes cheveux aux boucles folles. Une petite gorgée de ton verre, un claquement de langue et tu te lèves brusquement de ton siège en voyant la mince silhouette blonde de la Malefoy passer la porte de l'endroit. Un sourire aimable pour elle alors qu'elle s'approche, un élégant baisemain, une salutation basse :

« Toujours aussi ravissante, Orchid. »

Bon, ça, même toi tu ne peux rien dire à ce sujet. Tu es de mauvaise foi, mais la cadette Malefoy est bien jolie. Tu reprends place, avoir avoir tiré sa chaise galamment. Et une fois assis devant elle, tu sens le stress monter d'environ dix crans. Ton cœur va exploser tellement tu es nerveux. Tout ça parce que tu as pris l'initiative idiote de faire cesser ce secret de fiançailles, parce que tu as un minimum de respect envers Orchid et le futur qui vous est réservé.

Monsieur Black

C’est avec plaisir et honneur que j’accepte votre invitation, qui je le concède, m’a surprise. J’espère que le sujet dont nous aurons à parler n’est pas trop fâcheux. Je vous fais part de ma promesse d’êt…

C’était la troisième version qu’elle mettait à la poubelle. Orchid, qui pourtant avait appris la rédaction de lettres et la diplomatie n’arrivait pas à répondre à la missive de Leander Black.
A vrai dire, elle ne s’y était pas attendue du tout, ils ne s’étaient que rarement croisés, lors des grandes occasions, elle voyait vaguement qui elle était, savait le strict nécessaire de ce qu’une jeune femme de bonne famille doit connaitre des personnes qui peuplent son milieu (et il y en avait de choses à savoir) mais n’arrivait pas à comprendre pourquoi il l’invitait elle.
Ils avaient quoi, 7 années d’écarts ? Ils n’avaient que très peu de relations en commun, si on exceptait leurs liens familiaux ou amicaux avec une branche des Lestrange.

Et toutefois, elle avait accepté l’invitation, même si elle ne lui avait pas répondu, à vrai dire, il n’y avait rien dans la lettre qui demandait une réponse non ?
Toutefois elle était vraiment intriguée, de manière assez négative, par ce qui allait ressortir de cet entretien, malgré le style très poli de la lettre de Leander.
En tant que stagiaire, et en tant que Malefoy, elle pouvait venir et aller à St-Mangouste quand bon lui semblait, de plus elle n’était pas réellement remise de l’incident qu’il y avait eu lieu au ministère la semaine dernière, cela lui donnait un bon prétexte pour rester au lit et réfléchir. Elle en avait besoin. Du coup elle avait été plus créative que jamais et avait mis au point un nouveau sort de coiffure. Elle l’utilisa le jour même, il donna a sa chevelure une forme qui allait parfaitement avec la robe style année 60 bleue pâle qu’elle portait, accompagnée d’une large ceinture noir et vernie ainsi qu’une paire d’escarpin qui mettaient en valeur ses longues jambes pâles. Un maquillage simple mais qui rendait ses yeux bleus encore plus incroyables terminait le tout. Au moins elle savait s’apprêter pour n’importe quelle situation, ses parents ne pouvaient pas lui reprocher cela.

Tandis qu’elle descendait les marches en pierre du manoir, faisant claquer ses talons dont l’écho résonnait dans l’enceinte de l’escalier, son père sortit de nulle part et lui demanda où elle allait.
Il était presque impossible de mentir à l’Auror, déjà car il le savait, mais aussi car sa haine froide envers sa fille, cette aura effrayante, suffisait à neutraliser toute tentative de mensonge venant d’Orchid. Elle était obligée de passer par des chemins plus tactiques, mais aujourd’hui il n’y avait rien à cacher. Quand il apprit avec qui elle allait déjeuner, le regard de Caleb Malefoy s’alluma d’une étrange lumière qui n’échappa pas à sa fille. Avec un sourire narquois il lui souhaita un bon repas et disparu dans une des nombreuses ombres du manoir.
Voilà qui n’allait pas la rassurer. Déjà qu’elle appréhendait les rencontres avec son père depuis peu, par peur qu’il lui dise ce qu’elle dont elle se doutait déjà, ce dont elle était presque sure, qu’elle était fiancée depuis une éternité et qu’il fallait qu’elle se plie à ses ordres et à ses choix. Or Orchid ne comptait pas s’encombrer d’un fiancé, ni d’un mari. Mais savoir que son père en savait peut-être plus qu’elle ne faisait qu’augmenter sa suspicion. Toutefois elle n’avait pas le temps de se questionner sur le sujet, elle ne voulait pas arriver en retard.

Elle n’avait pas l’habitude d’aller à la Table du Farfadet, et fréquentait plutôt le Chant des Sirènes, mais il fallait avouer que l’endroit n’était plutôt pas mal, et la personne avec qui elle avait rendez-vous aussi. Oui, Leander Black était charmant, mais elle s’en rendrait bien assez compte plus tard, quand ce qui commençait à se transformer en angoisse ne serait plus là. Néanmoins, hors de question de le montrer pour le moment. Souriante, elle apprécia sa galanterie et attendit qu’il fut de nouveau assit pour lui répondre. Après tout, sa famille était plus puissante, il ne fallait pas l’oublier, la politesse était très de mise.

« Je vous remercie Monsieur Black, et sans vouloir être trop directe, puis-je savoir de quoi vous désiriez m’entretenir ? »

Trempant ses lèvres rouges dans un verre remplit du même liquide noble que le jeune homme qu’elle avait en face d’elle, elle lui offrit un autre sourire poli et attendit sa réponse, cachant toute ses angoisses en tapotant silencieusement la table de ses ongles nacrés.

Tu attends qu'elle ait fini de boire et qu'elle ait avalé sa gorgée pour penser à répondre à sa question. Elle ne désire pas passer par quatre chemins et ça t'arrange beaucoup, tu dois l'avouer. Tu ne veux pas non plus t'encombrer de fioritures et tu décides donc de lui dire, de but en blanc, la raison de votre rencontre, soit la petite révélation que tes parents t'ont fait il y a de ça à peine quelques jours :

« Nous sommes fiancés. Et je crois que nous pouvons dès maintenant laisser tomber le vouvoiement. »

Tu ne souris plus.
Dire ces mots te brûle la langue, mais tu te sens immédiatement beaucoup mieux. Comme un poids qui se soulève légèrement de tes épaules, qui s'enlève de ta poitrine et te permet de respirer. Tu aurais été incapable de garder quelque chose comme ça plus longtemps, tellement cette confidence et ce futur te rongeaient. C'est tout de même de vous deux, de votre destin, dont il est question, et aussi bon menteur peux-tu être, tu as tout de même un soupçon d'honnêteté brodée à quelque part sur ton cœur de Black. Tes yeux clairs observent ceux d'Orchid, d'un bleu surprenant qui est encore plus vif encadré par sa chevelure d'un blond éclatant et contre son teint de lys, et tu les détournes à peine lorsque le serveur vient prendre votre commande pour le repas. Tu n'as pas faim, mais tu dois manger, et tu as déjà eu la chance de jeter un coup d’œil au menu. Une simple assiette de ragoût pour toi, plus le reste de la bouteille de rouge pour absorber l'information que tu as lâché comme si tu parlais de la pluie et du beau temps. Du mauvais temps, plutôt. Le serveur prend la commande de ta compagne et repart. Ton expression est grave et tu laisses planer le silence quelques secondes encore entre vous. Une gorgée de vin pour la route, l'alcool brûlant légèrement ta gorge, puis tu reprends la parole, sur le ton bas et posé qui est le tien :

« Mes parents me l'ont annoncé il y a quelques jours seulement. Je ne voulais pas garder cela pour moi alors que je savais que vot... ton père n'allait probablement rien dire. Je préférais faire cette annonce moi-même. »

Tu tentes de jouer le rôle de l'adulte, tu as tout de même une différence d'âge avec ta fiancée qui fait de toi l'aîné et largement d'ailleurs, mais à l'intérieur, tu es l'adolescent que tu as été, il y a peu de temps, quand l'orage a éclaté au manoir Black. Rageur. Colérique. Exigeant. Indépendant. Libre. Tes doigts tapotent sur la table, tu es nerveux, tu ne sais pas ce dont tu veux vraiment parler avec Orchid. De ce dont votre mariage l'air ? Tu ne veux pas parler cérémonie et dentelles. Des conditions ? Du futur ? De vous ?
Tu ne la connais même pas.
À cette pensée, tu baisses les yeux avec une moue maussade. Évidemment, épouser une jeune fille de ta connaissance aurait été trop facile. Vos parents ont un bien étrange sens de l'humour, à ne pas en douter.

Il avait bien fait de la laisser finir son verre. Si elle avait encore eu du vin dans la bouche, elle se serait sans doute étouffée avec. Et bien que cette option lui aurait permis, dans un sens, libérée de la nouvelle qu’il venait de lui annoncer, elle ne désirait pas mourir ainsi, dans une bassesse réservée aux ivrognes.
Ainsi, ils étaient fiancés. La main d’Orchid se sera avec une violence contrôlée, ses ongles s’enfonçant dans sa paume délicate. De multiples informations se croisaient dans sa tête et elle les analysait avec cette finesse qui avait failli l’envoyer à Serdaigle, mais aussi avec cette volonté de, par la fin, en tirer un avantage, ce qui correspondait bien mieux à la Serpentard qu’elle était avant l’explosion qui avait mis fin à sa dernière année.

Il y eu un silence pendant lequel ils ne se quittèrent pas des yeux, elle fut intriguée par le bleu des siens, peu commun aux Black, sans doute les tenait-ils de sa mère, comme elle tenait la blondeur de sa chevelure de son père. Un trait de famille qui rendait les Malefoy presque autant reconnaissables que les Weasley, mais en étant d’une couleur bien plus noble que le roux.
Au moins ses parents lui avaient trouvé un beau parti, dans tous les sens du terme, c’était la seule chose qu’elle voyait de moins négatif sur le moment. Les Black étaient la famille de sang-pur la plus puissante du monde magique Anglais et le lien entre leur deux familles s’étaient un peu atténué au fil des ans, voilà qui forgerait une nouvelle alliance, qui rendrait sa prospérité à la lignée Malefoy, vouée à disparaitre car n’ayant que des filles. Mais connaissant son père, il y aurait sans aucun doute une close dans le contrat de mariage sur ce point précis.
Elle fut interrompue dans ses pensées par le serveur. Elle n’avait même pas prit le temps de jeter un œil au menu et sa présence la dérangeait, c’est pourquoi elle commanda le plat du jour, qu’elle ne mangerait sans doute pas, ayant autant d’appétit que le jeune homme qui lui faisait face.

Il se justifiait, il n’avait pas à faire cela, ce n’était pas de sa faute, il subissait autant qu’elle dans cette "épreuve". Ce ne fit qu’augmenter la colère d’Orchid. Oui bien sûr elle était mécontente, mais elle ne pouvait pas laisser exploser sa fureur ici, ses crises colériques étaient grandioses et nécessitaient souvent le rachat d’un miroir ou autre objet présent à ce moment-là. Mais comme d’habitude, elle irait assouvir ce besoin d’hurler, de crier et de détruire dans sa chambre après l’avoir préalablement insonorisée. C’était loin d’être des colères d’adolescente, elles étaient bien plus violentes que ça.
Mais pour le moment, elle se contentait de mordre sa lèvre inférieure, signe qu’elle était contrariée. Leander était plus âgé qu’elle, de deux ans de plus que son aînée, Cassiopea, il lui semblait. Alors elle ne comprenait pas pourquoi c’était elle et pas sa sœur qui était fiancée à Black. Son verre était à nouveau remplit de liquide pourpre dont elle avala quelques gorgées, histoire de se remettre, avant de se reprendre, d’offrir un sourire contrit à son voisin, à son fiancé et de prendre enfin la parole.

« Vous…Tu n’as pas à expliquer, c’est le fardeau de la pureté ces mariages j’imagine. Mais je te remercie de m’avoir prévenue, en effet, mon père ne m’aurait sans doute rien dit avant le dernier moment.
Je dois t’avouer être un peu prise au dépourvu par cette nouvelle, mais je suppose que nous devons désormais faire avec, et l’une des bonnes choses pour débuter serait sans doute d’apprendre à nous connaitre, ne penses-tu pas ? »

Un vrai langage de politicienne, elle avait fait attention à ses phrases, manié avec prudence le sens des mots et mit le ton là où il le fallait. Elle espérait qu’il avait compris qu’elle possédait un certain caractère, qu’elle appréciait mener les choses, qu’elle ne se laisserait pas écraser par un mari encombrant, Black fut-il. Mais avec toute la diplomatie nécessaire et digne de leurs rangs respectifs.
Avalant une autre gorgée de vin, elle attendit sa réponse, ses ongles ne tapotant désormais plus sur la table. Elle n’attendait plus de surprise désormais, il y avait, pour elle, le début d’un combat pour la liberté, en fonction de la réaction de Leander.