La porte se referme. Là, derrière, dans la pièce sans fenêtres, dans les profondeurs du manoir, l’obscurité règne. Heathcliff est un habitué des lieux ; gamin, il avait l’habitude de venir traîner ici. Pourtant ce soir-là, l’ambiance est loin d’être enfantine. Le silence pesant, les torches qui brûlent le long des murs de pierre glaciale, c’en devient presque étouffant. Des murmures étouffés lui parviennent, de loin, d’en deçà un monde oublié, semble-t-il. Dans les profondeurs du manoir, les ténèbres sont seules maîtres. Les lumières, pourtant, éclairent les lieux, mais il y règne une telle ambiance sordide, qu’Heathcliff se croit sortit tout droit d’un de ces films dont les moldus sont si friands. Le hurlement, alors, déchire l’air. Le cri d’agonie profonde, la détresse totale dans laquelle il a été arraché, fait se dresser les cheveux d’Heathcliff sur sa fine nuque musclée. Et, ce foutu hurlement, provient, là, de derrière cette putain de porte. Inhumain, il s’achève alors sur note discordante, témoin vivifiant de la terreur absolue qui ronge l’être enchainé là derrière. La porte s’ouvre ; le visage de son père, lèvres serrées, mâchoire crispée, se présente à lui. « elle n’a rien dit. » Elle, l’autrice de ce terrible hurlement. Elle, qu’ils ont capturé au crépuscule. Elle, qu’ils soupçonnent être de l’Ordre. McGonagall, c’est son nom, mais c’est la seule chose qu’ils ont jamais pu lui tirer. « Là, tu la surveilles, Heathcliff. Monte la garde, c’est tout. » Il hoche la tête, enfant docile qui obéit à son père, gamin dressé pour ça. Son père lui tapote l’épaule, et s’en va. Là, posté dans le noir, seul dans un dédale de couloirs, la curiosité lui rongeant les entrailles. Fils à papa certes, je m’en foutiste davantage. Ses gestes agissent d’eux-mêmes ; il entrouvre la porte. Furtif coup d’œil, suffisant pour savoir que, là, elle risque pas de faire long feu. Il en a vu, des comme elle, Heathcliff, qui refusent de cracher le morceau. Leur agonie n’en est que plus lente. Mais à la fin, la Faucheuse se présente, et la Mort s’empare d’eux. (...)

Dans la lumière bancale de la pièce, elle semble dans un piteux état. Cinq jours, là, qu’ils la nourrissent de nourriture rêche, cinq jours qu’elle décroche pas un putain de mot. Cinq jours de trop. Elle est la première à résister aussi longtemps ; Heathcliff sait que ça durera pas plus que ça. Ils sont quatre dans la salle ; trois sorciers - son père, un ami du père, et lui-même - et elle. Elle dont, encore là, enfermée plus de cinq jours, dont l’aura encore si étrange l’attire. Son père tire sa baguette. Heathcliff éprouve presque de la pitié pour cette gamine à qui on arrache la vie ; cinq jours qu’elle résiste, la Mort n’en sera que plus douce. Le jruon, qui s’échappe de sa bouche, lorsque, en l’espace d’une demi-seconde, la gamine se transforme en un loup massif, lorsqu’elle se jette, tous crocs dehors, sur son paternel ; sa frénésie, lorsque le sang pénètre sa gorge, lorsqu’elle lâche le père pour se jeter sur la cheville du fils ; aucun hurlement ne déchire l’air. La douleur, Heathcliff la connait, et si celle-ci le fait ciller dangereusement, il entrevoit le loup se faufiler et se tirer. Et ce salopiot lui a bousillé sa cheville droite. Impossible de s’appuyer dessus ; et la colère, foudroyante du paternel, rejeté sur le sorcier, braqué devant la porte, qui l’a laissée s’enfuir. Le tout n’a duré que quelques minutes ; des minutes, pendant lesquelles cette gamine les a fait passés pour de parfaits imbéciles.

Il l’a retrouvée, la fille-loup. Là, dans la ruelle de Diagon Alley. Furtif, il observe ses allées et venues, détaille chaque habitude, chaque parcelle de son visage. Obsession fugace de celui qui cherche et qui crie vengeance. Sa cheville se souvient encore des crocs de l’impudente. Il n’attends, lui aussi, que le moment ou ses propres crocs se refermeront autour d’elle. Minutieux, il sait qu’elle ne l’a jamais remarqué ; il sait aussi qu’elle ne connait pas son visage… seulement l’odeur de son sang. Et il attends, il attends le moment parfait pour réagir. Mais, a trop attendre, la proie se faufile hors du piège, et, alors, bredouille est le chasseur. Heathcliff attend trop, il le sait. Il y a quelque chose, là, dans le regard de cette fille, qui le fascine, qui le révulse, qui le fait perdre tous ses moyens. Il déteste ça. Pourtant, un jour ou l’autre, il refermera son piège, et là… Là, la fille-loup sera à lui.