Salut l'anonymous.

Bon, je ne te demande pas de tes nouvelles, vu que tu ne réponds jamais à mes questions. Si tu es si impoli et salaud, je ne vois pas pourquoi je m'emmerderai à te lécher les bottes et le blason. Voilà, je m'excuse pour les mots employés, mais il fallait que je te communique le fond de mes pensées. Je ne me sens plus hypocrite à présent. Toi si ? Ça ne m'étonne pas. Tu sais, j'en ai rien à faire qu'on ne s'occupe pas de ma petite personne. Tu aurais pu dire dès le début que toi et moi ça n'avait pas d'importance. Chacun parle pour sa gueule ? Pas de problème.

Maintenant que tout est mis sur papier, que tout est clair entre nous, je t'annonce une nouvelle. A toi de voir si tu t'en fous, et alors ne lis pas le pavé suivant, ou si elle vaut la peine d'être entendue. Sache cependant qu'elle va mettre un terme à notre correspondance et, accessoirement, à notre si bel "idylle". Oui, c'est à prendre avec ironie, bien sûr. Tu peux toujours crever que je me régalerai d'un brownie sous ton nez.

Tout s'est passé hier. Donc... Vendredi. Je suis en vacances. Tout baigne. Le silence envahit ma chambre et me bourdonne à l'oreille. La maison parait vide. Je soupire d'aise, car un moment pareil est d'une rareté inquiétante chez les Sullivan. Je me jette sur mon lit. Je ferme les yeux. Je déguste l'instant. C'est délicieux. J'ai l'impression d'être dans un cocon dans l'espace interstellaire. Je flotte vers des horizons inconnus. Je ne pense à rien. Mon esprit est comme aspiré de mon cerveau et rejeté dans l'air ambiant. Tous mes problèmes sont jetés à l'eau. La peur d'être vu se volatilise et mes "trucs" bizarres ne viennent pas troubler mon repos. Les ailes d'un ange allaient bientôt m'entourer et j'allais m'envoler vers les cieux où m'attendait le plus beau des rêves.
Les battements de mon cœur dérapèrent aussitôt et je me sentis tomber lourdement sur mon lit. Je poussai un hoquet de surprise. Un frisson me parcourut la moelle épinière. Je me cambrais, tous les sens en alerte. Mes mains étaient recroquevillées sur les draps d'un blanc immaculé et mes muscles se contractaient sous la peur. Je jetai des regards partout et je le vis. Le chat des Sullivan. Que ça ? Je me sentais bête tout à coup, voire carrément humilié. Je fronçai les sourcils et grognai. « Saleté de chat! Dégage va! Imbécile... » Il était entré dans une discrétion remarquable le petit morveux! Et il n'avait pas hésité à planter ses petites pattes dans mes pectoraux. Je rageais intérieurement. Tu ne peux pas savoir combien je déteste ce chat. Pendant toute mon adolescence, il venait se pavaner dans ma chambre sans autorisation. Parfois, il ne se gênait pas du tout et se logeait dans mes couvertures. J'ai eu longtemps le réflexe de le chasser de ma royale chambre. Je croyais qu'il avait compris, mais il faut bien croire que ce chat a un cerveau de souris. Quel nul. Je n'ai jamais su les raisons qui ont poussé mes parents à l'acheter. Il mange comme trois, il est gros, il est moche, il est mal élevé (un peu comme toi d'ailleurs...) et il est sale. Nous sommes une grande famille et il est difficile de côtoyer. Alors pourquoi s'embêter avec un chat ? Non, mais sérieusement, c'est absurde. La pitié était une des raisons de l'achat. J'aurais du représenter la famille Sullivan ce jour-là et ce saleté de chat ne serait pas ici à l'heure qu'il est.
« Attends un peu! Tu fous quoi là?! » Je reste bouche-bée, les yeux écarquillés, les lèvres pendantes. Ma grimace se fige sur mon visage. Mais je sens mon sang bouillir, la colère partir de mon cœur et se diffuser jusqu'à l'extrémité de mes membres. Chat au cœur de pierre, diable sur terre, pourriture du monde, traitre de sa race! Un "compagnon" ? Mon œil oui! Il venait tout juste de faire ses besoins sur mon pouf! Et quand on touche à mon pouf, je suis méchant, très méchant. Surtout si on pisse dessus. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. J'ai une envie atroce de lui courir après et de l'étrangler de mes propres mains. Je sens déjà son pelage doux me caresser la peau et puis je serre très fort. Je craque sa nuque en un rien de temps. Les images s'entremêlent dans ma tête. L'adrénaline me fait frissonner de contentement et je libère mes pulsions meurtrières. Rien que ça. Ça ne m'est jamais arrivé d'être aussi rancunier et violent. Il faut bien croire qu'il y a une première à tout. Je tends mon bras vers le chats comme pour le juger. Je sens l'air tournoyer autour de moi. Une puissance incroyable m'emplit le corps. J'ai l'impression qu'un courant électrique me traverse. « Toi... tu vas le payer. » Ma main voltige dans l'air. Je n'ai fais qu'un petit mouvement horizontal. Une gifle dans le vide. Et pourtant... CRAC. Un bruit sourd et sec s'élève dans la pièce. Le craquement n'a même pas duré une seconde. Ma vue est quelque peu brouillée par la colère. Je cligne plusieurs fois des yeux et je commence à discerner les décorations du papier peint d'en face. Je halète. Je lance un regard périphérique en quête de soutien. C'est alors que mon attention se reporte sur le mur à ma droite. Je m'approche. Une substance rougeâtre semble s'y être écrasée. Elle coule lentement vers le plancher. J'ai compris bien rapidement. Car j'ai tourné la tête et je l'ai vu. Le chat, allongé lamentablement par terre, ses yeux sortant presque de leur orbite. Mes prunelles croisent les siennes. Nous sommes si différents. Et pourtant... ce regard mort et glacé me terrifie.

Tu ne pourras jamais comprendre ce que j'ai ressentis à cet instant l'anonimous. Je causé la mort d'un être vivant. Moi. Un adolescent de dix-huit ans. Je suis né dans une famille normale. Je suis écossais. Je vais au College six jours de la semaine. J'apprends mes cours et je m'éclate avec mes potes. Il n'y pas plus banal en Ecosse. Mais il a fallu que j'aie ce "truc". Tu sais. Mes pouvoirs bizarres. On en a déjà parlé et je sais que tu ne me crois pas. La chose est qu'aujourd'hui, j'ai tué. Non, j'ai massacré quelqu'un. J'ai mis deux heures avant de faire un geste. Mais il me faudra une éternité avant d'oublier cette scène. Parce que tu vois, tout n'est pas centré sur le chat. La question est : Serais-je capable de reproduire la même chose avec un être humain ? Je ne peux pas prendre risque l'anonimous. J'ai une famille que j'adore. Et si par un coup de tête, je tuais un des miens ? C'est dur à réaliser et à entreprendre, mais j'ai pris une décision. Je pars loin de Brodick. Je ne sais pas encore où, quand et comment, mais je crois que ma situation ne me permet pas d'y réfléchir. Il faut juste que je me cache des autres.

Adieu l'anonimous.